Lucian ALEXIU
ERINNYES
(canon)
à l’aube quand les ombres
à midi quand les ombres
le soir quand les ombres
la nuit quand les ombres
sont prêtes à vous pousser
dans le néant
AU LARGE
nageur libre :
sur la croix de droite
la paix du désert sous le soleil levant
sur la croix de gauche
la paix du désert sous le soleil couchant
sur la croix du milieu
le vide d’un précipice
en mer
dans la montagne
(et toi pendant ce temps au large
nageant
nageant
poursuivi par les voeux égrillards d’une bande
de guerriers soûls )
BLANC LIMPIDE CHARNU
dans le désert
avec deux poissons et cinq pains –
jour après jour
vers un horizon poussiéreux
jour après jour
la rencontre avec l’ange
jour après jour
blanc limpide charnu
un être
sorti de la cuisse
de jupiter
ÉDEN
dans la paix du jardin
le serpent tord son corps
comme une vrille
QUI ET COMMENT
qui et comment
fait monter les nuages à l’orient
qui et comment
mène les troupeaux de phoques vers l’océan
qui et comment
gère les nids des cormorans
qui et comment –
la commission pour les voies et moyens
délibère
décide
promulgue
CHUTE LIBRE
d’une pente un peu abrupte
d’un versant un peu plus blanc
d’un pic aigu
(du plateau le plus haut possible)
où que tu tournes ton regard
qui que tu appelles
quelque nom que tu cries
tu te trouves au milieu d’une histoire
contée par compère satan
PSAUME
barrer la route au hibou
réciter le psaume des égarés
descendre dans la vallée des inertes
(écouter l’agitation des ineptes)
et fais que la nuit arrive de nouveau
et fais que le jour arrive de nouveau
(et jette encore une fois ton filet
parmi les âmes en cellophane
comme un regard
sur les vivants)
GOLFE
l’été
la fumée –
la taupe dresse l’oreille aux prières des hommes
sa chair frémit d’horreur
elle écoute au-dessus d’elle des pas venant du
royaume de dieu
ses sens déraillent
elle creuse profond
encore plus profond
dehors c’est l’été
c’est la fumée
dans le royaume de dieu
on ne sait plus
qui est caïn
et qui abel
et si le fils prodigue
erre toujours
Traduceri de Maria TENCHEA