Tudor arghezi (1880–1967)
alfabetul/ l’alphABET
Qui vient fier, à cheval montant,
Et le cheval lui manque, pourtant ? ( M )
Il a des oreilles pénibles
Même si l’âne est invisible. ( V )
Il fait le paon hautain :
Ne mange jamais à sa faim. ( B )
Voici ma question de fond :
Qui est grand, tout nu et rond ? ( O )
A force d’avoir zézayé
Sa langue petite est restée. ( F )
Hérité de mes parents
J’ai un peigne à trois dents. ( E )
À sa lèvre pend une balle
Ou un petit poil en spirale. ( G )
Il pourchasse sa queue de près
Sans qu’il puisse l’attraper. ( C )
Qui de vous a la même taille
Qu’une petite gosse d’ail ? ( D )
Échiné, aux jambes tordues,
Dis, quel nom as-tu reçu ? ( H )
Sa langue pend jusqu’à la terre
De chaleur, dans la poussière. ( R )
Le lombric ne sait qu’une lettre
Et l’écrit sans qu’il s’arrête. ( S )
Qui peut croire qu’une petite baguette
Se tient droite comme l’allumette ? ( I )
Ayant la palanche sur tête
Elle se croit assez coquette. ( T )
Bien qu’il boite, n’en a pas l’air :
C’est un boiteux hors de pair. ( N )
3 (Trois) nous a tourné le dos
Pour compter, studieux, ses os. ( E )
Ayant son cœur mis à nu,
Une pédale il a reçu. ( Q )
Elle est borgne car elle accueille
Dans ses jupes son propre œil. ( A )
CÂntec de adormit mitzura/ berceuse pour mitzura
Dieu, fais-lui une petite chaumière
Dans un coin de contrée vieille
Ni plus haute qu’une petite primevère
Ni plus large qu’une petite oreille.
Une petite flaque sur la terrasse,
Au canot d’une taille pareille,
Pour que dans sa glace s’entassent
Ton Ciel et ses merveilles.
Pour que sa chaumière soit chaude
Donne-lui un papillon,
Une grenouille d’émeraude
Dans le bois vert du vallon.
Procure-lui papier de Chine,
Les couleurs de l’arc-en-ciel,
Griffonnant, elle T’imagine…
Hosanna! Gloire éternelle!
Et quand tout sera fini,
Papa y viendra aussi.
Version française par Constanta Nită