Lucian BLAGA


JE N’ÉCRASE PAS LA COROLLE  DE MERVEILLES
DE CE MONDE

Je n’écrase pas la corolle de merveilles de ce monde
et ne tue point
dans mon esprit les secrets rencontrés
sur mon chemin
dans les fleurs, les yeux, les lèvres ou les tombeaux.
Cette lumière, celle des autres,
étrangle le charme de l’impénétrable, caché
dans les profondeurs toutes de ténèbres,
mais moi, avec mes lumières, j’accrois le mystère du monde
et, à l’instar de la lune, qui, de ses blancs rayons,
n’appauvrit guère, loin de là, tout en tremblant –
agrandit encore plus le secret des nuits ;
de même que moi, j’enrichis encore plus le sombre horizon
de larges fleurs d’un mystère sacré,
et l’incompréhensible
se mue en des significations plus amples
sous mon regard –
car moi, j’aime bien
les fleurs, les yeux, les lèvres, les tombes également.  



LA LUMIÈRE

La lumière que je sens
inonder mon cœur quand je te vois,
ne serait-elle une goutte de la lumière
procréée au tout premier jour
par cette autre lumière si profondément assoiffée de vie ?

Le néant gisait à l’agonie,
errant au gré des ténèbres, lorsque, tout à coup,
l’Inconnaissable fit signe :
« Que la lumière soit ! »

Un océan
et un grand tourbillon de lumière
prirent corps au même moment :
il sévissait une soif de péchés, de désirs, d’élans et de passions,
toute une soif de vie et de soleil.

Mais qu’est devenue cette aveuglante
lumière de l’époque – qui peut savoir ?

La lumière que je sens inonder
mon cœur quand je te vois – ô, sublime,
n’est peut-être que la dernière goutte
de la lumière procréée au tout premier jour.  


J’AIME LA DANSE !

O, je veux danser comme jamais je n’ai dansé !
Pour que mon Dieu ne se sente pas
Dedans moi
Un captif dans la geôle – emprisonné !
Accorde-moi des ailes, ô, terre,
Pour me muer en flèche et transpercer
Toute l’immensité
Pour ne voir d’autre autour de moi que ciel,
Ciel au-dessus
Et ciel dessous moi –
Et, enflammé par torrents de lumière, danser
Tout traversé par de fantastiques emportements
Afin que Dieu puisse respirer librement en moi,
Qu’il ne rouspète pas:
« Suis captif dans une geôle ! » 


Traduceri de  Constantin FROSIN

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