MIHAI EMINESCU
L U C E A F A R U L (1883)/ H Y P E R I O N
P a r t e a a IV – a ( Strofele 65-98 )
«PORNI LUCEAFARUL …/ HYPERION PARTIT …»
Hypérion partit. Au ciel,
Ses ailes grandissaient,
Et des distances éternelles
Au même instant passait.
Un ciel d’étoiles au-dessus,
Au-dessous un autre ciel :
Il paraissait un continu
Eclair – parmi elles.
Dans le chaos et tout autour
De soi, dans les vallées,
Il voyait, comme au Premier jour,
Jaillir lumières- reflets.
Et jaillissantes, elles l’entourent
Comme dans les mers, les ondes,
Il vole, hanté de son amour,
Jusqu’aux limites du monde.
Car il arrive où il n’y a pas
Frontière ou connaissance.
Là, où le Temps essaie toutefois
Du néant, sa naissance.
Il n’y a rien et cependant
Il y a une soif avide
Ainsi que l’oubli aveuglant
Ressemble à ce vide.
« – De l’accablante éternité
Déliez-moi, mon Sire,
Et toute entière, l’humanité,
Pour cela, va Te bénir.
Demandez, Sire, n’importe quel prix
D’ une destinée nouvelle,
Car Tu es source de ce qui vit
En le rendant mortel.
Prenez mes flammes du regard
Et l’auréole céleste;
En échange je ne prétends
Qu’une heure d’amour terrestre.
Du chaos, Sire, je suis issu
Et j’y retournerai....
Et du repos j’ai apparu...
Et j’en suis assoiffé .»
« – Hypérion, toi, qui diriges
Un monde, de tes abîmes,
Ne me prétends de signes prodiges
Que l’on croirait infimes.
Veux- tu devenir un simple être,
Aux hommes comparable ?
Mais qu’ ils périssent dans le non-être –
Ils naîtront innombrables.
Ils ne font que durer ailleurs
Des illusions abstraites,
Telles les vagues qui ne meurent
Que pour réapparaître.
Ils sont veinards ou malheureux
Selon l’ aveugle sort –
Illimités en temps et lieu
Nous ne savons la mort.
Eternellement, au sein du hier,
Vit le présent qui meurt.
Si un soleil s’éteint au ciel,
Se lève un autre ailleurs.
Quoiqu’éternel apparemment,
La mort rejoint son être.
Car tous sont nés incessamment
Pour mourir et renaître.
Mais toi, Hypérion, tu survis
Quoique tu disparaisses...
Mon premier mot, le veux-tu , dis,
Que je te donne sagesse ?
Veux-tu entendre un petit air
D’une voix qui seule dirige
Montagnes, forêts, îles dans la mer
Après son chant prodige ?
Veux-tu , peut-être , me montrer
Justice et pouvoir rares ?
Voilà la terre toute morcelée
Pour que tu t’en empares.
De gros bateaux, de troupes je charge
Ta main, pour sillonner
La terre en long, la mer en large,
Mais le trépas – jamais ...
Tu veux mourir , mais dis, pour qui ?
Retourne-toi vers le monde
Pour voir, toi-même, ce qui t’épie
Sur cette terre vagabonde. »
* * *
A sa place fixe, dans le ciel,
Hypérion se retourne,
Et comme auparavant,comme hier,
Il reluit taciturne.
Car il fait soir à ce moment,
C’est à la nuit tombante,
La lune se lève tout doucement
Des ondes, et tremblante.
De ses rayons elle remplissait
Les sentes bocagères,
Sous les tilleuls se tenaient
Deux amants solitaires.
« – O, laisse ma tête se coucher,
Chérie, sur ta poitrine,
Sous tes yeux sereins penchés
Dont la douceur fascine.
Laisse le charme de ta raison
Que mon esprit pénètre,
Inonde à jamais mes passions
Du silence de ton être.
Et sur mon être veille toujours
Que ma tristesse s’achève,
Car tu es mon premier amour
Et mon suprême rêve.»
D’en haut, Hyperion voyait
Emotionnées, leurs faces,
A peine enlaça-t-il son cou
Qu’elle répond et l’embrasse.
Pétales d’argent et odorants
Recouvrent de leurs ondes
Les têtes nues de deux enfants
A chevelure blonde.
Quand, enivrée d’amour elle voit
Hypérion qui se lève,
Alors doucement et à mi-voix
Elle lui confie ses rêves.
« – Descends, doux astre qui luis,
Sur un rayon te lance,
Pénètre en bois, dans mon esprit,
Pour éclairer ma chance !»
Au-dessus des mers,collines et bois
Il tremble taciturne,
En maîtrisant comme autrefois
Leurs solitudes nocturnes.
Mais de là-haut, guère ne s’abaisse
Comme jadis, ne tressaute:
„ – Que t’en soucies , toi, tête de glaise,
Si c’est moi, ou un autre?
Sous votre ciel que je déteste,
La chance vous enlace.
Tandis que dans le mien je reste
Eternellement, de glace .”
D O R I N T A ( 1876 )/ L E D E S I R
– Viens au sourcillon du bois
Qui tremble sur le gravillon
Ou les branches qui se penchent
Cachent la pente des sillons.
Dans mes bras ouverts t’arrête
Que tu tombes sur ma poitrine,
Pour que je dégage ta face
Et j’enlève la mousseline.
Comme nous serons seuls au monde
Sur mes genoux viens et demeure,
Le tilleul, dans ta chevelure,
Laissera tomber ses fleurs.
Laisse ton front, tes cheveux dorés,
Sur mon bras coucher en douce,
Et, en tant que proie : – ta bouche
Pour la mienne – tes lèvres douces.
Notre rêve sera si tendre
Que les sources chantonnantes
L’accompagneront en douce…
Et la brise caressante.
Dans la symphonie du bois
Tourmenté par des pensées,
Sur nos tètes, des pluies de fleurs
Du tilleul se laissent tomber.
CÂND AMINTIRILE …(1883)/ QUAND LES SOUVENIRS …
Quand les souvenirs, dans le passé,
M’appellent comme avant,
Au même chemin long, familier,
Je passe de temps en temps.
Au-dessus le toit de ta maison
Les mêmes étoiles surgissent.
Elles illuminent mon émotion
Maintenant, comme jadis.
Au-dessus les arbres espacés
S’élève la Lune aimable,
Ce qu’elle trouvait : nous, embrassés,
En chuchotant ensemble.
Nos cœurs juraient, tout enivrés,
L’amour a tout jamais,
Quand les lilas laissaient tomber
Leurs fleurs sur les sentiers.
Comment pourrait une telle passion
Dans la nuit noire s’éteindre –
Lorsque les vagues du sourcillon
Ne cessent de se plaindre ?
Lorsque la Lune parmi les chênes
Suit sa voie chaque soir,
Et tes grands yeux, toujours les mêmes
Sont si doux à me voir ?
TRECUT-AU ANII … (1883)/ LES ANS PASSERENT …
Les ans, comme les nuages sur les plaines,
Passèrent. Jamais ils ne reviennent.
Les préjugés, doïnas, histoires anciennes –
Jadis, si ravissants, ne me surprennent.
Mon front d’enfant en fut rendu serein…
Signifiantes – mais à peine comprises –
Oh ! Mystérieux coucher à l’heure exquise
Qui de tes ombres – ci m’enveloppe en vain !
Pour détacher un son d’un passé révolu,
Que je te fasse, mon âme, encore trembler,
Ma main se laisse en vain au-dessus ma lyre.
Dans l’ombre du passé tout est perdu…
Muette, la bouche de ma jeunesse est restée…
Le Temps s’accroît derrière et me chavire…
V E N E T I A (1883)/ V E N I S E
La vie de la hautaine Venise s’est éteinte.
On n’entend plus ses chants, ses bals luisants,
Sous ses portails, la Lune pénètre, tout en blanchissant
Les escaliers en marbre de ses teintes.
Sur les canaux, le dieu Okéanos pleure…
Ce n’est que lui est à fleur de l’âge.
Frappant les murs, ses vagues font tapage
Comme s’il était, de sa maîtresse, le Sauveur.
Dans le silence de nécropole de la Cité,
Comme un vieux curé d’un autre temps,
San Marc est triste : minuit vient de sonner.
D’une voix de vieille Sibylle, solennellement,
Il fait entendre ces mots cadencés :
– Les morts ne ressuscitent !... Inutilement !
S I D A C Ă …(1883)/ S I ….
Si les rameaux frappent aux vitrages
Et les peupliers frissonnent,
C’est que j’accède à ton image
Et je m’y abandonne.
Si les étoiles frappent au fond
Du lac et s’y reflètent,
C’est que j’apaise ma passion
Et mon tourment s’arrête.
Si les épais nuages s’enfuirent
Pour que la Lune se montre,
C’est qu’à jamais ton souvenir
Dans ma mémoire remonte…
Prezentare si traduceri în limba franceză de CONSTANTA NITĂ
3
Me reste un seul désir
Me reste un seul désir:
Que tout au bord de mer Dans
l' accalmie du soir
On me permette mourir;
Que mon sommeil soit doux
Et tout près la forêt,
Je veux un ciel serein
Sur eaux illimitées.
Pas de cortège fastueux,
Aucun cercueil coûteux,
Nattez-moi un simple lit
De jeunes petits rameaux.
Que personne derrière moi
Ne pleure à mon chevet,
Que seul l' automne donne voix
A tel feuillage fané.
Tandis que les sources tombent
Sans cesse avec bruissement,
Par les cimes du sapin
La lune avance doucement.
Que la sonnaille pénètre
Le vent frais de la nuit;
Et ses rameaux secouent
Le saint tilleul au-dessus.
Et n' étant plus errant
Depuis lors en avant,
Je serai volontiers couvert
Par des souvenirs chers.
De l’ ombre dense des sapins
Les étoiles se levant,
A nouveau vont sourire
Amies fidèles m' étant.
Va geindre passionnément
Le chant rude de la mer ...
Or je reste sépulture
Dans ma solitude dure.
Moyens avoir
Moyens avoir et
Possibilités
Je m' en ferais
A ma volonté!
Miroir je serais
Brillant et radieux
Pouvoir t' embrasser
De la tête aux pieds.
Peigne d' or je serais
Qui doucement affleure
En lissant tes cheveux
Sans aucune douleur.
Vent je m' en ferais
Qui tout légèrement
De la belle poitrine
Détache tes vêtements.
Et je m' en ferais
Rêve léger d' été
Pour tes yeux fermer
Chaque soirée tombée.
Mais pas de moyens
Aucune faculté
Pouvoir être refait
Selon ma volonté.
Traduceri de L. CIUBOTARENCU
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