Simona FROSIN

 

AUTANT EN EMPORTE LE TEMPS!

 

 

Larmes de soleil dégoulinant le long des rayons lunaires… angles de rayons qui ne suffisent même pas pour chauffer la carcasse extérieure – le corps, d'autant moins pour apaiser – au moins partiellement – le froid de l'âme, induit par les humains… Peut-il donc être âpre, ce froid intérieur…!

Et le temps… Qu'est-ce que le temps? Quoi d'autre peut-il être, en plus de la répétition constante des erreurs quotidiennes? Qu'est-ce que la nuit, sinon un jour plus sombre, qui nous prive – comme en guise de châtiment – de la sérénité de l'Aurore? Et pourtant, un faisceau de lumière s'offre, quand même, comme présent, à travers la voûte transpercée par des soupirs proies/esclaves du soir : un merveilleux lever de lune… qui nous tente de le prendre pour un grandiose lever de soleil…

Combles jumelles de la souffrance nous appellent souvent à accéder à leurs hauteurs parsemées de douleur et tristesse, et le temps s'offre, ironiquement, à nous servir de tapis rouge justement pour nous permettre une ascension plus rapide, probablement confortable au possible, sur la spirale de la rédemption. Ce n'est que lorsqu'il (pres-)sent que le spectacle de la pénitence a pris fin, que le temps (en guise d'âge!) permet au rideau de tomber, événement suivi d'un bref répit philosophique – quelques moments de méditation sur la cendre existentielle temporairement laissée par les flammes dévoratrices de la tristesse, sur le seuil de l'esprit-âme. Et qu'est-ce qu'il en reste l'instant d'après? La mélancolie (paraît-il)… et le temps disent encore leur mot, en nous déterminant, par son intermédiaire, à retourner au passé, à des souvenirs plus lumineux, ou pas…

Ainsi, le temps est un tyran qui creuse encore plus notre plaie du présent, nous attire par des souvenirs agréables du passé et, comme on le prétend tous, il est un remède potentiel dans l'avenir plutôt lointain, en permettant la cicatrisation et, peut-être, avec un peu de chance, même la guérison définitive, dans son rôle préféré, d'ailleurs – celui de baume miraculeux. Au bout des quelques minutes, heures, journées (la durée dépend de chacun d'entre nous…) de réflexion, de canon de l'esprit, il nous oblige à passer à l'acte suivant, puisqu'il nous annonce, avec toute sa bienveillante courtoisie, que la pause d'entre les actes a pris fin, que nos réserves statiques se sont épuisées, étant nécessaire de revenir promptement à l'action.

De la sorte, il détient souverainement le contrôle, justement par ce déroulement interminable, paraissant figurer une chaîne qui s'étend jusqu'à plus Infini, où nous avons le privilège de détenir un maillon propre auquel nous sommes attachés, enveloppés et enrubannés (appelez-le comme vous voulez!), jusqu'à ce que l'on tende à aimer le doux-amer esclavage où nous sommes entrés – peut-être initialement – de plein gré… C'est une grande et fatale illusion, celle selon laquelle nous, on guette des restes illusoires de secondes, donnant ainsi la chasse au temps, alors que, dans le fond, c'est lui qui nous prend continuellement en chasse, nous, cette proie tentante et fragile au possible.

Malgré ses connues habiletés de chasseur, l'homme est impuissant devant le Temps, en lui laissant le soin de chasser ans, siècles, millénaires pour que, ensuite, il les attache en un bouquet ayant pour ruban un diadème antique – la sagesse, marquée et transformée par la patine du temps. Duos – couples de dualités qui sont nés sous l'égide du temps, sous un signe du zodiaque (nécessairement malchanceux) : éphémère/éternel, jour/nuit, songeur/lucide, on peut les ramasser et ajouter, en guise de parure de prix, au collier des sens multiples, des antonymes du temps. Connotations…

D'autre part, le temps met à l'épreuve et prouve la stabilité d'une amitié, d'une relation de couple, mais contribue également à les détruire, justement par l'éphémère et l'instable qu'il comporte et charrie. Lame de fond terrible parfois, laquelle arrache les écailles des poissons, le temps peut se constituer aussi en caresse des sirènes, en flattant leurs suaves, frêles et délicates voix dans une pluie d'échos mous, harmonieusement enchaînés sur la crête d'une vague timide.

Le Temps – copie fidèle de l'Eternité, plus précisément, « image de l'éternité », selon la philosophie platonicienne, nous assiste, nous autres hommes, pourtant copies fidèles du visage de la Divinité, à copier/répéter fragments de vie d'une manière dévouée, en multipliant tellement, de la sorte, l'existence, qu'elle en arrive à tomber dans l'abysse de la routine la plus cruelle.

Grâce au temps, nous vivons toute une gamme d'états d'esprit, dispositions, sentiments. Par exemple, nous sommes presque tout le temps voyageurs/pérégrins dans ce monde, au fil de chaque jour, par chaque sentier parcouru, en même temps que l'âge et les expériences accumulées.

Ensuite, nous voilà des pérégrins consciencieux en quête de la rédemption, du salut par la pénitence et les trop peu de canons que nous faisons. Finalement, nous sommes autant (justement!) de tueurs inoffensifs, de petits assassins pourtant, qui s'évertuent à tuer le temps en cas d'ennui, d'où manque l'activité et qui, ironiquement et paradoxalement, jouissent de succès dans le fait de prêcher ce type de crime, en faisant tant et si bien que d'autres se joignent à eux pour perdre leur temps, en gagnant ainsi des adeptes parmi ceux qui passent leur temps à faire ou à ne rien faire. Double crime donc – pourquoi les gens perpètrent-ils cet attentat à la volonté des autres et mettent-ils en application de véritables stratégies manipulatoires, afin d'affaiblir le peu de volonté dont on fait preuve occasionnellement?

A coup sûr, le seul Temps a bien des qualités. Cette fois, on n'a passé en revue que ses côtés pessimistes et négatifs… Comme tout porte, malheureusement, la marque des stéréotypies, tout ce qui est a l'air d'être marqué au coin de la redondance… A plus tard une approche plus enthousiaste ou positive du temps magique et réconfortant de la rêverie… Pour l'heure, notre lot est le temps réel d'une réalité fort dure, laquelle n'accepte pas d'être domptée par le temps de la rêverie. A bientôt, douce rêverie poétique… Ton temps est passé, mais, sous peu, va percer – dans toute sa grandiose immensité – l'aube d'une nouvelle espérance. Que de rayons!... Réchauffons-nous donc, tous, sous les rayons bénits du béant écoulement du Temps…

 


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