Constantin FROSIN
LE TEMPS DE DIRE: OÙ F… !
Un vol de mouettes
pèche dans mon sang
les traces douillettes
des neiges d’antan
Repus, les vautours
plongent dans ma quiétude
dans l’Ailleurs me fourre(n)
s’enflamment les paludes
Une flottille de corbeaux
picorent ma calvitie
mon destin tombe à l’eau
poussé par l’inertie
Tout à coup, je me rends
compte à rebours du four
qu’est notre vie sur les pans
au coucher de l’Amour
Du jour au lendemain
j’enjambe le passé
me trouve sauf et sain
comme un Ra suis-je fait
Et cause de joie
à qui je baise
au coin d’un boa –
maudite Genèse !
FILANTE
Ma bonne étoile
a plus de six branches.
Elle rivalise avec les arbres:
il ne lui manque plus que
les bourgeons, les fleurs et les fruits.
Pour ce qui est des feuilles,
elle n’en a pas besoin:
elle tire sa sève du soleil.
C’est vrai, la Voie Lactée
l’a sevrée très tôt,
mais il lui est resté
l’amour du prochain,
l’amour des hommes
qui sévissent sur terre.
Ils tirent des plans, les nigauds,
sur mon étoile
qui leur a l’air filante.
Ah, vous aussi, bonhomme?
Allez, mettez vot’ ceinture
et grimpez à mes branches.
Si vous aimez le vol,
non pas les petits larcins, certes,
mais les ailes déployées.
C’est ça, vous planez. Déjà…
FOIRE D’EMPOIGNE
Quel est cet entonnoir
qui m’absorbe
moi, le retranché
derrière des murs orbes?
Quelle est cette force de succion
qui me résorbe
moi, qui ai basculé
dans le lunaire orbe?
Qui me broie, tel un débile noir,
moi, qui jouais au théorbe,
moi, qui ai eu beau colmater l’entonnoir
avec d’inoffensifs sorbes?
PLANTE-LÀ TES CHOUX, CABOCHARD
Qui aura planté tous ces épis
dans le champ de ma conscience,
de sorte qu’au lieu des graines
il se présente nombre d’épines
qui s’insinuent dans mes demeures,
me rongent les sangs et me minent?
Mine de rien…
Mine d’or, ce champ de blé sans répit
rend l’œil opaque, au regard la transparence
qui me détache de l’Immaculé hymen
sous l’éclat coruscant de la nitroglycérine,
ce leurre singeur qui meurt de peur, dévaliseur
des haies – vives d’où il arrache l’aubépine,
se calant les joues carmin dans le parchemin vilain
du bataclan mesquin d’un arlequin décrépit…
Les arbres mettent en exergue leur consistance
et cachent la forêt des fredaines mondaines.
Le cerne des yeux, passé aux aveux, déracine
les follets biaiseurs d’un terre-plein lessiveur…
Quand la Raison dort, les Monstres dînent
et attendent sous l’orme l’arrivée des sauriens…
PAR EFFRACTION
Tel un brigand,
la Nuit s’insinue dans les recoins
de mon repos.
Son obscurité
fait peur à la bougie qui m’éclaire
et la souffle, sournoise.
Plongé dans les ténèbres,
je désespère
de m’éteindre aussi.
Je ne me fais pas à tout ce noir
qui me happe…Exigu, cet entonnoir.
Je n’y vois que du feu.
Je rêve d’un encensoir…
EN GARDE À VUE
L’on a de plus en plus
Des absences de pétulance.
Le désarroi est en crue
Et fait preuve de turbulence.
Qui fait danser l’anse
Du panier où tombent dru
Et s’entassent nos transes
A l’instar d’à notre insu?
Qui aurait pensé et cru
Possible cette déchéance?
Qui a jeté son dévolu
Sur ce terrible suspense?
Quelle est cette accointance
Entre le pied de grue
Et le visage de bois des distances?
C’est notre portion congrue…
La glue joufflue de la ciguë
Tanne le cuir de notre existence.
Abstrus, malotru et ventru
Notre seul lot reste la Potence.
On feint de faire bombance
Malgré qu’on ait la berlue.
On met à nu cette Redondance:
Notre vie est la plus grosse bévue !
À TOUTES FINS UTILES
Il n’y a plus de pont-levis.
Le Vaisseau Fantôme l’emporta
Lors du séjour sur le parvis
Du temple qui, aussi, s’en alla.
Personne n’accède à mon Chîteau.
Mon îme quémande une tour d’ivoire,
Mais celle-ci fait, hélas, défaut.
Entre-temps, le Sphinx réclame à boire.
Mes pas se font toujours plus rares,
Un grand oiseau noir guette mon nid.
Ma solitude grouille de cafards
Qui s’attaquent à mes pîles débris.
J’étale les cartes de mon vieux jeu
Et, d’un coup, mon chîteau s’écroule.
Je m’empresse d’exaucer les vœux
Du Sphinx, mais déjà il s’éboule.
Un grand vent ensevelit nos traces.
Main dans la main, toujours plus bas,
L’on descend vers le pays de grîce:
Des ponts-levis supportent la Croix.
COMPTE À REBOURS
Vie, pelote déroulée
en rets perfides
sur les champs du Non-Être.
Fouiller la durée dissimulée
dans les interstices du vide
où règne le Paraître.
Cette Durée – un Espace
bîti sur l’illusion rapace.
Les étoiles s’engouffrent
dans les couloirs du silence:
l’Univers souffre,
le Cosmos sent le rance.
La matière se fait esprit,
le Néant donne des leçons impies.
L’ombre du froid, aux abois,
brille de mille feux peureux,
de mille pertes alertes.
Entre l’Être du Chaos
et le Néant du Non – Être,
l’absence d’Être
surgit en bandit
régnant au fond du puits
et brandit l’arme du Puis:
C’est l’heure, Amis !
(în versiunea autorului)
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