POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE

Alexandru PINTESCU

Hibernia

(poème)
I.
Baigné en soleil. Hibernia, plaine paresseuse,
blanc tapis peluché, souvenir glacé .
L’air est ici cristallin, myriades
de structures opalines, pyramides infimes
mises tête à tête.
Vidé de pensées, de tous les souvenirs
attendant l’Attente, en te résignant.
Tout seul, sur une banquise en dérive,
tout seul aussi dans la maternelle ogive :
comme là-bas, la tête en mains,
embryon de l’imatérialité,
homuncule du sommeil.

II.
Un regard glacé, sauvage ,
projeté dans la Mer Sarmatique :
je me ramasse des algues, de plaves,
des méduses enveloppées en fleurs d’acante,
en feuilles de laurier.
Dissipées comme sont toutes mes cellules
Sous les vastes voûtes de la Mer Sarmate
je me traîne  comme une mollusque, lentement –
parmi les marches de l’échelle animale –
fuite honteuse, illusoire de ce qui plus tard
va s’appeler l’Histoire :
des poissons difformes, aliés, libellules
s’attachaient aux yeux comme des tentacules
(j’étais arrivé déjà dans la dernère Thule 1)
traversant succéssivement des métamorphoses
(les échecs se transformant en apothéoses).

Pas à pas, je retrouvais ma Mémoire :
affamée, aux rivages m’attendait l’Histoire…

III.
Même les astres se sont arrêtés dans leur chemin révolu
et l’aigle s’est petrifié à O absolu ;
les poissons étaient cassants dans les océans, les marées
apportaient des charognes d’oiseaux, des aigrettes
aux ailes milticolores, coquettes
tenant dans leur bec des boules de sel
cristallisées comme des briquets et en griffes
de petites épées en copeaux de glace
arrachés aux banquises en dérive
imaginant des trous dans leur chair antique,
ogive par où pénètre un frisson boréal
en bruissement métalique, minéral.

Ta pansée reste suspendue comme l’oiseau
qui reste gelé dans son vol au ciel,
comme les dents dans la chair mordue
et comme moi, dans une orgie chaste
arrosant les fleurs de ma fenêtre…

IV .
En troubles mers on pêche des herings
Comme la mer le rivage va lécher
Dans le brouillard encore on distingue
Le cheval rouge, - l’horizon sanglé.

Enferme les pigeons au grenier,
Mets au couchant des mouselières, de laisse
Fait voir le toit rongé
Par les chiens aboyant en langue sarde.

Tu peux tuer, si l’on veut, de vieux malades
Les troupeaux agrestes tu peux enflammer
Tirer en lances les non-nés dociles
Qui se délectent avec les femmes non-agées.

Au crépuscule on peut hausser des libations,
La voûte des étoiles on peut bien défier
On peut lever, à l’aise, des ovations
A la noce des quatrupèdes livides, sechés,

On peut passer la nuit avec les verbes en poèmes,
Une tente ou cité on peut lever sur les champs,
On peut te débaucher oubliant les anathèmes
Mais on ne peut, toi-même, que tu te vends.

O, pas possible de te détacher
D’une carapace qui existe dans ta chair
Le nimbe d’épines comme un jeu de glaces
Tu le retrouve toujours comme une abscise.

V.
Je passe parmi les papillons en ailes de papillon
L’oiseau bleu m’appelle en chuchottements cachés
Les haras du ciel voulant bien secouer
Les nues s’en vont, la crinière collée au vent.

Traducere de Claudia PINTESCU

 

 


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