Alexandru PINTESCU

Silex

le hasard a voulu que je sors avec le brodnik
de la grotte en même temps
le soleil venait de decliner vers le couchant
personne n’était ni gagneur
ni perdant
platon faisait des jongleries
sur l’écran de la grotte
avec l’idée de la chose en soi-même
jackie ne s’était pas mariée avec onassis
on n’avait pas écrit anabasis
il n’était pas parti en voyage, lui, ulysse
ni hamlet ne s’était-il retiré
en coulisses
quand, tout à coup, le hasard justement a voulu,
que je sors
avec le brodnik
de la grotte…

* * *

Je passe parmi les papillons en ailes de papillon

en mot caché l’oiseau bleu m’appelle
on dirait qu’il veuille secouer les haras du ciel
les nuages courent la cîme colée au vent.
La lune attend bien chargée de rêves
le déroulement monotone des heures du soir
jusqu’à son retrait dans les coulisses
du ciel jaillira un grand nombre d’étoiles.
Le troupeau féerique met en fuite les fantômes
l’airain traverse encor doucement les syllabes
clignotant comme les cierges pendant les outrènes
quels soucis t’érodent, Ahabe ?
Quel mystère néfaste accompagne les trirèmes
dans la mer agitée en ricanement bien laid
il semble que dans l’eau les ondoiements de baleines
des effroids de la nuit ils s’égaient.
Si le tronc veut s’en donner des ailes
plus durable est l’aviron éclos de fruits
comme une langue de cloche en amadou couverte
depuis que Irod a tué les petits.
De blancs os dissipent en hauteur
des étranges sons suitant en délices
les arômes d’anges bourgeonnant étrangers
sur la roue en feu de tant de supplices.
Le silence demeure rond et tout plein
et se casse pareil aux grains de rosée
sur les feuilles nuitées de verveine
comme dans une issue d’un récit tout frai.

Libations

moi et pétrone on improvisait des libations:
on appelait l’esclave de trimalkio
remplir de la glace les rafraîchisseurs
aussi les verres vidés d’une vie toute entière

la lune était enveloppée en maroquin
et notre sort s’annonçait en déclin

Hématomes

les oiseaux sont les hématomes des arbres
parmi la grille de leurs ailes
passent les navires du midi
pleins d’aromates:
le mosk et le yenibahār
et la cannelle
communient leurs arômes acidulés
et l’odeur pestilentiel de poisson
océaniquement pourri aux tropiques
des bouillies de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel
te séduisent près de la chaudière de toutes
les possibilités les mendiants se traînent
sur les marches de la cathédrale gothique
et t’envoient
un sourire squelettique
comme un ossuaire parmi les grottes agitées
des mariannes –
la marée syphilitique
apporte l’arôme de la charogne
de jonas pourri comme le papillon
pressé dans les couvertures
de la Bible

Saumons

Lea saumons reposant des glaciers en lave
tombent sous le mouvement des astres suave
dans l’abîme, en danse, de plus en plus rond
comme sans fin est de la mer le fond
comme sans rivages les Mystères minaudent
le délire qui s’appelle la Vie (encore !).

Signes héraldiques

Je vous envoie un reportage
scellé par les neiges
éternisées dans la Ville Blanche
de la limite
de la contrée.

Signes héraldiques
vont le parapher
des anneaux magiques
vont se serrer
en cire saignante,
le bleu de Bucovine
va décripter
le Texte.

Un reportage du Nord
frémissant
comme une chair jeune.

Cercueil

Des chèvres crasseuses
descendent
avec les neiges
de la montagne.

Grisonnant en vertu
les arbres, rejetons des oiseaux,
penchent leurs fronts
vers la lèvre de l’Enfance
éternisée dans la pensée:
comme dans un cercueil –
des blancs ossements,
comme dans un coffre –
pâles haruspices.

La fuite

Les bois se renversaient derrière lui
quand les chasseurs surgirent l’enlever
les foules en chlorophylle le protégeaient
et tous les fauves y étaient forêt
quand même les loups ployaient sur les chemins
se profilant en voies entortillés
pour qu’ils peut-être vont tromper, cachés en homme,
tous les instincts des armes accrochés:
chaque biche croit bien être une Diane
et tous les cerfs se sentent un Actéon
moi je respire un air avec les chiens
fauve entier se cachent tout en homme…

Pédoncules

Les pédoncules des bourgeons démembrent
l’obscurité de la forêt en airain
par où traversent comme les esprits malins
les gnomes en pollen répandant espièglés
la ciguë qui monte dans ton sang
comme un arôme qui te vainc.

(cf. Candor Poesis/ Ca-n dor Poesis, apud Enclave, Postfată de Gheorghe Glodeanu, Colectia La steaua. Poeti optzecisti, Serie initiată de Gellu Dorian, Ed. Axa, Botosani, 2000)
Traduceri de Coca SOROCEANU

 


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