POEME ROMÂNESTI ÎN LIMBI STRĂINE 
 



Valeriu STANCU


NUIT A LA PREMIERE PERSONNE

    L’ombre, cloche de sommeil


Sous ma paupière a vieilli un cimetière de rosée. Des
clochers qui chassent le son de leur corps s’éternisent
dans mon ouïe. Cloche de sommeil, l’ombre incarcérée
dans le gué du mirage m’avale dans son ventre.
    Des serpents venimeux purifient leurs corps
en les offrant à la mort avec leur propre poison.
    L’identité de l’illusion est la seule souffrance connue
d’avance. Les préceptes imposent leur consigne dans la geôle
de l’ombre.
Sous ma paupière a vieilli un cimetière de rosée.
Des cloches de sommeil pendent dans l’être du langage. Appel
fascinant du jeu. De l’illusion. De la larme des ténèbres.
L’ombre, chîtiment détaché de moi-même, enchaîne
la poussière de l’aube.
    Je crois toujours en la solitude des dieux.


    Le cerne, horloge de fumée

Le cerne des neiges, horloge de fumée. Je suis écrasé
par l’oisiveté du rêve. Des pluies de velours halètent dans
mon regard. De la pensée jusqu’au mot s’écoulent
les calèches de la nuit. Les steppes du désir s’enferment
dans les sentiers de l’abîme. Des confins du froid
s’enveloppent dans les mailles des pleurs.
Halo sombre, la pensée.
    Cendre, neige et corbeaux, azur aveugle, les brides-
menottes, quand la nuit promène les chevaux du sommeil
par-dessus le cerne des neiges. La nostalgie indéfinissable
marquant les cercles concentriques de l’introspection.
    Nuit à la première personne.
L’immobilité, c’est mon effroi. Blessure du temps,
la mémoire. Horloge païenne. Et pourtant, m’en évadant
en moi-même, le glissement du verbe est mon sacrifice.
    Le cerne des neiges, horloge de fumée. Cendre enfermée
dans la clepsydre de la mémoire.


    Colloque de la défaite

Brûle en signes la lèvre de l’abîme. Larme de la montagne,
les lances des sapins m’attendent pour enfoncer de mystérieuses
dalles dans le cachot de mon corps.
    Halo sombre, les mailles de la nuit. Sous leurs plis,
je parle avec les statues que j’ai érigées moi –même.
    « Statues vaincues, mais rebelles
    avec la braise insurgée en elles. »
Les signes de la pluie blessent seulement les sceaux
des ténèbres.
    En transe, incarcéré en rêve, le sable de la clepsydre vit
la volupté de l’infini. Le temps renie sa vocation dans
le corps délimitant de l’horloge. Obstacle d’air qui saigne
dans la matrice du mot. Autel des ténèbres et de sommeil qui
brûle dans la lèvre de l’abîme.




    Voyages intérieurs

Le temps dans la chair de cette nuit plus longue
qu’une mort. L’aveugle indéfinissable à peine marqué
dans la plaie de ma pensée. Nostalgie diffuse
de l’enveloppement de l’infini.
Dans l’orbite de l’autel, le temps.
Comme une blessure. Du désert et de l’effroi.
Blessure du silence et de la nuit. De l’inquiétude et du passage.
Du désir et de la grandeur.
    Halo sombre. Tissent les araignées de l’azur
en se pendant sur la route du péché. Voyages intérieurs,
sentences libératrices. L’aveugle indéfinissable dans
la blessure de mon rêve. La nuit s’effiloche sans écho,
sans matrice et je ne sais plus la retourner dans la
clepsydre de la mémoire.
    Cloches de froid inquiétantes résonnant dans le tympan
blessé par la flamme que je suis. Le glissement
du verbe m’assombrit. Matrice migratrice du point
non séparé de lui-même.



    Blessure de l’illusion, l’éternité

La chaux opaque, miroir dans ma paupière. Quel dieu
se tord dans la plainte de la pensée ? La nuit enveloppe
la chair vivante de l’impuissance dans la splendeur
frémissante du mot. Celui qui est mort dans le ventre,
comment pourrait-il survivre au dehors ?
    Si longue la nuit, semblable à la mort.
Ma bouche a pris le contour du baiser du silence.
Et de l’illusion. Sceau de l’éternité, le rêve.
Éphémérides, vipères, thaumaturges m’en séparent.
    Je suis le même. Identique au dieu que j’ai forgé
à mon image et à mon allure. A l’horloge de mon rêve.
Au canot d’azur de la nuit.
    Je suis toujours le même. Triste comme un poème
non écrit. L’ombre de l’être de sommeil.


Autoportrait avec illusion

Les grillons de la nuit cassent leurs violons sur le voile
du ciel. Au bord du péché, au quai du silence se retournent
les canots de l’œil.
    Parmi les brouillards, labourent les oiseaux migrateurs.
Dragons de magma qui mordent avec obstination
le corail de la lune en allumant des arômes
dans la tunique de l’aube.
    Dompteur d’illusions, le lever du soleil me baigne
dans son abîme, dans son inconnu, dans sa tristesse. Les tribus
du hasard ramassent l’illusion en iceberg de lumière. Le serment, vol d’oiseaux aveugles.
    Chaudes, les cendres du silence. L’illusion met son propre
état, se sépare de ses propres limites. Je ne suis que l’outil
du mutisme qui engloutit ma tempe. Poussière mariée à l’ombre.
Dragon de magma, l’illusion.


Dimanche sans passion

Détachée de la nuit, la pensée s’illumine en même temps
que le secret qui la dévisage. Trois feuilles de la mort se
dépouillent en paupière. Dans la paupière sous laquelle
je porte un cimetière de rosée. Illumination sans enveloppe
sans substance, sans limites, sans douleur, sans passion.
    Dimanche aveugle. Toutes les divinités sont mortes en moi.
Inestimable flamme du renoncement. L’impuissance,
exil intérieur. Miroir mystique de la genèse.
    La parole n’est qu’un singe qui imite la pensée.
Dans les jardins de l’ombre fermente le mirage du mot.
Sur mon dimanche sans passion, la matrice de la mort
n’est que la somme de tous les renoncements.
    Je vis ma propre confession.


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