Ioan TEPELEA

Les otanges des rêves
    À Jacques Lovichi       

Les otages des rêves serpentent en bandoulière
une fanfare de grillons questionne: qui?
Les mêmes imberbes grimpés sur des calvities
que nous sommes aussi
transpirent en couleurs dans l’aorte des querelles
plongées dans la même fantôme
qu’hier

Que voulons-nous par exemple?
Des rivières et de montagnes d’insomnie du temps
douce magie de préhistoire
des maisons peintes par des habitants de grottes
un arrêt du vent?

Que viennent et que restent
ceux que nous sommes aussi!


Dans le miroir

Adam Puslojic de nulle part
et Nichita Stănescu de quelque part issu de l’ombre
ont un jour traversé mon insomnie

Ils y sont restés attablés jusqu’à l’aube:
Lui avec ses mains qui façonnaient l’herbe:
et toujours lui – l’Autre le ciel
d’un brouillard nu-pieds essoré par la vie.

Quand les coqs chantèrent j’en étais encore
à filer la laine dans le miroir. En définitive
qu’est-ce que ça peut faire si même à présent les poètes serbes
n’éprouvent pas l’envie de rentrer chez eux

Je lie le vent à mon corps

Février. Bout de ficelle du temps
immobilisé par la patience
me faisant lier le vent à mon corps
Par hasard, l’oeil vagabonde
entre le blason des mots et un début
en retard. Ainsi cette réalité
de passage. Corrosive. Toujours imposée par le vent.


(In)visible

L’ æil de la nuit ne dort pas assez
son pourtour est toujours plus effilé et diabolique
sur chaque mur il préfère un clou
pas très gros mais (in)visible

L’oeil de la nuit s’est lassé de voir
il en a assez de se justifier, de l’ anxiété, de sa bien-aimée
à présent est venue l’heure secrète nécessaire
d’un cliquetis d’éperons à renouveler à l’approche de
la levée d’impôt sur les sensations totales

L’oeil de la nuit ne dort pas assez
avec son pourtour effilé et diabétique
mon épaule fait l’amour à l’arbre
en s’aidant de bras toujours plus abstraits


Triste de la Tristesse des mots

Je me sens toujours plus triste de la tristesse des mots
qui  fument prè du café dans une pétulance toujours
plus variée. Les heures se trahissent l’une l’autre
et il vient un moment où l’ordre appelle le désordre
tandis qu’une saveur d’absence se cimente entre les lignes
Je me sens fatigué et même séquestré par ma propre voix
Kafka me console d’un signe de la main. Alors
J’oublie dirait-on les effusions de naguère
Je refuse de revenir sur l’autre versant du péché
De tendresse et me cache dans le passé
Mieux vaut me promener en rêvant au souvenir de la neige
Triste de la seule tristesse des mots.


Appel

Il y a quelques jours on a fait l’appel
Des poètes. Qu’ils viennent, qu’on puisse les voir
que leurs vers soient récités, qu’ils disent eux-mêmes leurs poèmes
avec docilité. Dans la salle Tonitza
si je ne m’abuse. L’un d’eux plus jovial que les autres
à peine entré dans la salle a fait des courbettes
révélant du même coup sa merveilleuse faim sa bonne soif
Les applaudissements ont empli le rez-de-chaussée avec un entrain
TUTTI FRESH


Des sensations ratées

Ces messieurs lisant des psaumes sans arrêt
ou faisant semblant de les lire entre deux pluies
s’efforcent toutefois dans leur délicatesse
de ne pas laisser mourir sous nos yeux leur trop anatomique justification.
Ils viennent toujours du même lieu que nous
de la même terre par les mêmes sentiers
mais ils parlent une langue de sang. Ils ont
juste d’autres couleurs. Sur l’échine. Leurs doigts
sont plus élastiques plus pratiques plus…
Et beaucoup plus longs. Il semble qu’ils aient si je ne m’abuse
Des sensations totales. À franges.


Avec le même profit

Je m’efforce d’être
quelque chose comme je ne sais pas… comme Gellu Naum
l’aurait exprimé… une sorte de prochain vu de près
je m’aneantis troublant de douceur
d’attente et absurde de tristesse

Mes demoiselles rivalisent de parafes sur mon corps
à qui mieux mieux elles s’entassent sur mon plancher
pour me sortir de la tête la rêve qui a explosé
oublié sur mes épaules et dans mon auriculaire
avec le même profit



D’une autre façon

Ceux de mes amis qui ne sont pas morts et sont restés
des amis au moins en partie
sont cachés dans des clochers. Si toutefois
ils n’en ont pas encore été chassés
par des sonneurs plus jeunes ou plus âgés.
Comment leur amitié pour moi peut-elle résister
si chatoyante au-dedans
si minérale si violette au-dehors?

Près de moi se tiennent d’une autre façon
Les traces de ceux qui sont partis. Leurs femmes
portent des seins de carton
Elles tremblent. Elles pleurent. Parfois elles minaudent. Elles rient
Elles se veulent invulnérables
D’une autre façon



Institution

Je me suis embrumé à force d’attendre la fin
des pleurs nocturnes du chant funèbre des forêts
de leurs feints pouvoirs confondus
enfoncés en ondulant au plus profond de l’horizon
Ce livre de compétitions autant que de compétences
toujours ajournées en raison d’un chaos sans précédent
vient à peine d’être ouvert. On y écrira plus tard quand
l’heure sera venue
de lire…
Quelle brume c’est de rester tout seul
À l’opposé de sa vie.


L’escargot se met au pas

Le ciel se secoue de trop d’idées fixes
Il s’ondoie de ce qui est resté solitaire
d’un oiseau. L’escargot suit en rêve la piste
d’un galop… Il se met au pas
il prend conseil de lui-même
el est patient…
Par goût de la tradition
les chiens se menacent l’un l’autre
depuis des temps immémoriaux

L’escargot se met au pas


De trop de réalité

Tu as vieilli en héritant de toi-même
au nom du père
Après la visite périodique sur la colline
après l’eau restée dans la cruche
sur le bord de la fontaine. Après tout ce
qui s’épand et déborde…

La poudre stellaire se maintient dans les regards
Comme l’idée fixe, le calme déboussolés
l’ombre de l’arbre brisé sous le poids de trop de
réalité. Solitaire à l’intérieur
tu touches la mémoire du rêve. Tu sens
que tu t’extrais de ta propre vie.

Prezentare si traducere din română Hélène LENZ

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