Grigore VIERU

 

Chanson de femme

 

Toujours, toujours embrasse-moi,

Afin que la face de la mer je ne la voie pas.

 

Sans cesse, sans cesse embrasse-moi

Pour que le bord nacré je ne le voie pas.

 

Encore plus fort, plus fort encore embrasse-moi

Pour que le ciel fleuri je ne le voie pas.

 

Comme ça, comme ça embrasse-moi,

Pour que je ne voie aucun cyprès.

 

Pour que toi-même, mon homme, me dise après

Combien tout ça est beau et irisé.

 

L’iseau

 

Revenu

Avec de la nourriture à ses petits

L'oiseau a trouvé vidé son nid

Muet devenu.

Il les a cherchés

Jusqu' au blanchissement de son plumage entier

Jusqu' à ce que dans son bec

La graine a germé.

 

Les chemises

 

On a fait la guerre.

Son écho

Même aujourd' hui est vif.

Chemises vieillies, plus neuves –

Amer souvenir du fils.

 

Tant de fois lavées

Le tissu s' est usé

Et blanc, le coton

Au dos s est raréfié.

Et depuis jadis

Ne les a habillées

Le fils.

 

Chemises vieillies, plus neuves –

On a fait la guerre.

Or la mère

De trop longues années

Vient toujours aux sources:

Elle et sa pensée.

Et de nouveau, mettant

Les chemises au bas de sa robe,

Dès que samedi arrive

La mère les chemises lessive.

 

Car demain dans le village

Les gars tous en rond dansent

Et nombreuses sont les belles filles.

Or s'il rentre alors

Son fils, son cher garçon

Que mettra-t-il, le bon?

 

Toi

 

Je suis revenu tard chez nous,

Que dirais-tu?

J' ai dîné peu de tout,

Eh bien que dirais-tu?

Une fille m' a souri dans la rue,

Que dirais-tu?

Je me suis fait disparu une fois,

Et tout ça

Pour voir ce que tu diras.

Au fond de la mer je suis descendu,

Que dirais-tu?

Avec des pierreries j' en suis revenu,

Que dirais-tu?

Pâle tel un citron je suis devenu,

Que dirais-tu?

Je voudrais le premier mourir

Et tout ça

Pour voir ce que tu diras!

 

Je suis…

A Victor Teleucă

Je suis l’esclave fidèle

de l’amour pour le pays.

Esclave de l’amour pour la mère.

Esclave de l’amour pour la femme.

Esclave de l’amour pour les étoiles.

Les fouets de la pluie dans le champ

M' ont battu la poitrine,

le dos nu –

j' aime cet esclavage.

Devant la mère je tombe à genoux

et j’embrasse ses mains royales –

j' aime cet esclavage.

Mes bras sont froissés

par la verroterie sanguine du collier –

j' adore cette captivité.

Jour à jour les paumes en sang

je travaille les pierres des célestes étoiles.

Ô, seulement

ne pas les destiner

pyramides à édifier!

 

 

Le poète

 

Sombre ou clair comme un midi,

Poète de ce pays je suis

Soit que ma lyre s' est envolée

Soit que je reste muet.

 

 

Cette lune paisible

 

Cette lune paisible

Si elle ne paraît pas,

A sa place l'image calme

De ma mère paraîtra.

 

Ô, cette voix, de merle

Sur la branche si elle reste muette

A sa place retentira

De ma mère la voix sainte.

 

Cette passerelle, mon Dieu,

Si elle s' effondrait

A sa place les deux mains

De maman apparaîtraient.

 

Epitaphe

 

Pour moi-même:

«Herbe je suis. Plus simple je peux pas être!»

Grigore Vieru

Iasi, 9 avril 2008

Traduceri de L. CIUBOTARENCU

 

 


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